Le diagnostic de MW repose avant tout sur les données cliniques et la recherche d’antécédents hémorragiques documentés personnels et/ou familiaux. Il est important de noter que leur intensité peut avoir été modulée par des événements intercurrents qui doivent être également recherchés : un syndrome inflammatoire peut majorer le taux de VWF et limiter le saignement ; à l’inverse, une prise médicamenteuse peut modifier la symptomatologie ou les résultats des tests biologiques. C’est la confrontation des données cliniques et biologiques qui permet de poser le diagnostic de MW, qui doit inclure la caractérisation du type de MW, indispensable à une prise en charge thérapeutique optimale du patient. En pratique, le diagnostic de MW, et l’établissement d’une carte d’urgence et de soins conforme au modèle ministériel, relèvent du cadre d’une consultation d’hémostase spécialisée.
Circonstances de découverte/ Suspicion du diagnostic
La symptomatologie hémorragique des personnes atteintes de MW est très hétérogène. Les signes hémorragiques les plus fréquents sont cutanéomuqueux : ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, saignements prolongés des plaies mineures, ménométrorragies, le plus souvent de sévérité légère à modérée. Des signes plus sévères (hémarthroses, hématomes, hémorragies du tractus gastro-intestinal ou du système nerveux) ou des complications hémorragiques post-opératoires (chirurgie générale, gynéco-obstétricale ou extractions dentaires) ou post-traumatiques doivent également faire rechercher une anomalie du VWF dans le bilan d’hémostase. Une thrombopénie chronique inexpliquée doit également faire rechercher une MW.
Par ailleurs, il faut rechercher toute autre comorbidité ou traitement en cours, notamment la prise d’anticoagulants et d’agents antiplaquettaires, pouvant aggraver un saignement.
L’interrogatoire du patient relève les antécédents familiaux hémorragiques afin de dépister les éventuels cas familiaux. De même, une fois le diagnostic de MW posé chez un patient, il convient, pour les formes les plus sévères, d’initier une enquête familiale et un dépistage systématique des apparentés au 1er degré.
Le diagnostic fortuit sur un bilan d’hémostase est l’apanage des patients peu ou pas symptomatiques, avec un déficit modéré en VWF.
Quantification du syndrome hémorragique
L’appréciation du syndrome hémorragique se fonde sur l’existence d’un ensemble de manifestations hémorragiques cutanéomuqueuses spontanées (ou après traumatisme minime) et de saignements survenus lors d’un geste invasif ou d’interventions chirurgicales. Il faut évaluer la fréquence, les conséquences (consultations, hospitalisations, transfusions…) et le retentissement sur la qualité de vie de ces manifestations hémorragiques. Une évaluation systématique de la sévérité du syndrome hémorragique peut se faire au moyen de questionnaires standardisés permettant d’établir un score clinique hémorragique. De tels questionnaires ont été développés et validés pour la MW
Des outils permettant une appréciation semi-quantitative du syndrome hémorragique ont été développés,
– le score de Tosetto (score sur 9 items)
– Le score ISTH-BAT (score sur 14 items)
Pour en savoir plus : (lien vers les documents « score hémorragique »)
Tests diagnostiques de premier niveau
Le diagnostic biologique de la MW repose sur la réalisation de 3 tests indissociables que sont les dosages
- du facteur VIII (FVIII:C) : à l’exception du type 2N, les taux de FVIII sont généralement plus élevés que les taux de et suivent les modifications du taux de facteur Willebrand Antigène (VWF: Ag) dans la circulation
- de l’activité du VWF (VWF:Act) (Différentes méthodes permettent d’évaluer l’activité du VWF (VWF:Act) : (VWF:RCo, VWF:GPIbM, VWF:GPIbR). VWF:Act est un terme générique qui désigne l’ensemble de ces tests.
- de l’antigène du facteur Willebrand (VWF:Ag). Il quantifie la protéine en circulation, qu’elle soit fonctionnelle ou non. Ce test ne détecte pas les anomalies qualitatives du VWF et il doit donc toujours être couplé à un test fonctionnel
Les ratios VWF:Act/VWF:Ag et FVIII:C/VWF:Ag doivent être calculés systématiquement.
Un TCA normal n’exclut pas le diagnostic car le FVIII n’est pas forcément diminué.
La numération plaquettaire doit être systématiquement réalisée car certaines formes de MW peuvent être associées à une thrombopénie.
Toute anomalie des tests de première ligne (VWF:Act et/ou VWF:Ag <50 %, VWF:Act /VWF:Ag <0.7 ou FVIII:C/VWF:Ag <0.7) peut évoquer une MW et doit faire orienter le patient vers une consultation avec le médecin du CRC-MHC afin de confirmer et typer précisément la MW.
Ces tests doivent être interprétés en fonction du contexte clinique : par exemple un syndrome inflammatoire ou une grossesse peuvent augmenter le VWF et masquer les anomalies biologiques de la MW. D’autres circonstances peuvent entrainer des variations et les tests doivent donc être répétés en cas de forte suspicion clinique. C’est pourquoi le diagnostic clinico-biologique définitif doit être réalisé dans le cadre d’une consultation d’hémostase spécialisée avec le médecin du CRC-MHC.
Tests phénotypiques biologiques de seconde intention
La détermination exacte du type de MW (1, 2 ou 3) est nécessaire à une prise en charge thérapeutique optimale du patient, à l’enquête familiale et au conseil génétique. Cette caractérisation formelle est possible grâce à des tests phénotypiques biologiques de seconde intention et à une étude moléculaire du gène VWF, qui nécessite un équipement et une expertise importants.
Lors de la consultation avec le médecin du CRC-MHC, pourront être prescrits :
- test RIPA (Ristocetin Induced Platelet Aggregation) (permet de mettre en évidence une agrégation plaquettaire paradoxale à des concentrations faibles de ristocétine < 0,8 mg/mL, caractéristique de la MW de type 2B (et de la maladie de pseudo-Willebrand plaquettaire)
- le dosage du propeptide du VWF (il est réalisé en cas de suspicion de MW type 1 liée à une clairance accélérée du VWF. Un ratio VWFpp/VWF:Ag > 3 témoigne d’une clairance accélérée du VWF)
- l’analyse de la répartition des multimères du VWF (elle permet d’objectiver en électrophorèse les anomalies de multimérisation dépistées par les tests fonctionnels de mesure du VWF puisque ce sont les multimères de plus HPM qui supportent l’essentiel de l’activité biologique du VWF pour ce qui concerne l’adhésion des plaquettes à la paroi du vaisseau. Une diminution des multimères de HPM est le plus souvent mise en évidence dans les types 2A et 2B alors que le profil multimérique est normal ou subnormal dans le type 2M)
- la capacité du VWF à se fixer au collagène (VWF :CB) Le VWF:CB est dépendant d’un site de liaison du VWF au collagène intact et de la présence de multimères de haut PM (c’est une autre mesure de l’activité du VWF qui dépend principalement du degré de multimérisation du VWF mais aussi des domaines spécifiques de liaison du VWF aux collagènes. Le dosage VWF:CB est effectué le plus souvent en test ELISA, avec un seuil de quantification plus bas (1 UI/dL) par rapport au dosage VWF:Act. Le ratio VWF:CB/VWF:Ag est en général similaire au ratio VWF:Act/VWF:Ag à l’exception de certains types 2M (variants collagène) qui sont caractérisés par une anomalie moléculaire au sein même des sites de liaison du VWF aux collagènes (sans défaut de multimères de HPM du VWF) ; dans ce cas le ratio VWF:CB/VWF:Ag est ≤ 0,7 alors que le ratio VWF:Act/VWF:Ag est subnormal).
- la capacité du VWF à se fixer au facteur FVIII (VWF :FVIIIB) (elle est mesurée en cas de ratio FVIII:C/VWF:Ag ≤ 0,7. Ce test phénotypique permet le diagnostic différentiel entre la MW de type 2N et l’hémophile A modérée ou mineure (ou un statut de conductrice d’hémophilie A). La liaison au FVIII est ainsi très diminuée voire nulle en cas de MW de type 2N alors qu’elle est normale (ou peu diminuée) en cas d’hémophilie A. Une diminution modérée de la liaison du VWF au FVIII n’explique en effet pas une diminution isolée du FVIII:C (FVIII:C/VWF:Ag ≤ 0.7). Dans cette situation il faut suspecter plutôt une hémophilie A ou un statut de conductrice d’hémophilie A).
- le test de liaison du VWF plasmatique à la GP1b recombinante (il est réalisé devant tout test RIPA positif à des concentrations de ristocétine < 0,8 mg/ml, pour permettre le diagnostic différentiel entre la MW 2B (hyperaffinité du VWF pour la GPIbα plaquettaire) et la maladie de pseudo-Willebrand plaquettaire (PT-VWD) (thrombopathie avec hyperaffinité de la GPIbα plaquettaire pour le VWF)
- l’analyse du gène du VWF qui permet souvent d’identifier de manière formelle l’anomalie. L’étude génétique du gène VWF est réalisée quand les taux d’antigène Willebrand sont inférieurs à 40 UI/dL, qu’un ratio VWF:Act/VWF:Ag est ≤ 0.7 ou que des anomalies telles qu’une agrégation plaquettaire paradoxale aux faibles concentrations de ristocétine ou un défaut de liaison du VWF au facteur VIII sont objectivés
Dans la population normale, les taux du cofacteur de la ristocétine (VWF:RCo), de la capacité de liaison au collagène (VWF:CB) et de l’antigène du VWF (VWF: Ag) sont variables (50 à 200 UI/dl) et fonction du groupe ABO. Ainsi, il existe une zone de chevauchement entre les résultats d’un sujet normal et ceux d’un sujet atteint d’une forme frustre.