Spécificités des enfants

Précautions liées à l’accouchement : prise en charge du nouveau-né

La prise en charge des femmes enceintes atteintes d’une forme significative de MW, ou à risque de la transmettre, doit être pluridisciplinaire. L’équipe prenant en charge ces patientes doit être composée d’un obstétricien, d’une sage-femme, d’un anesthésiste-réanimateur, de l’hématologue et du pédiatre de maternité. Cette collaboration multidisciplinaire est essentielle afin de maitriser les risques hémorragiques tant maternels que néonataux.

Chez les femmes porteuses d’une MW sévère et /ou chez un enfant à naître à risque de MW sévère, le lieu d’accouchement doit être une maternité de niveau 2B ou 3 pour assurer une réanimation néonatale éventuelle en urgence. Il n’y a pas lieu de requérir ce niveau de maternité pour les femmes atteintes d’une forme plus modérée de MW de type 1 qui pour la plupart normalisent leurs concentrations de VWF et de FVIII:C à la fin de la grossesse.

Le mode d’accouchement peut être une voie basse, en l’absence de contre-indication obstétricale. Il n’y a pas d’indication hématologique à la réalisation d’une césarienne systématique. En cas de difficultés de progression par voie basse, une conversion rapide en césarienne est nécessaire afin d’extraire le nouveau-né sans risque hémorragique surajouté lié à un accouchement dystocique.

En période néonatale, il est parfois décrit des céphalhématomes, pouvant compliquer une naissance instrumentale. Toute utilisation de ventouse est contre-indiquée. L’utilisation de forceps doit être évitée dans la mesure du possible. Les ponctions du scalp (mesure du pH par exemple) du nouveau-né sont contre-indiquées ainsi que toute injection intramusculaire, notamment de vitamine K.

Tout prélèvement veineux, notamment le test de Guthrie, doit être suivi d’une compression manuelle d’une dizaine de minutes du point de ponction veineuse. En cas d’antécédent familiaux avec un risque de MW type 3, un dosage sur sang de cordon pourra être fait dès la délivrance afin d’affirmer ou infirmer le diagnostic. Dans les autres cas, ces dosages seront réalisés à distance de la naissance, lors d’une consultation avec le médecin du CRC-MHC, éventuellement renouvellés afin de faire le diagnostic définitif de la MW ce d’autant que les taux de VWF sont plus élevés durant les 3 premiers mois de la vie par rapport à l’adulte ce qui pourrait conduire à méconnaître le diagnostic. En l’absence de symptomatologie hémorragique ou de procédure invasive planifiée on peut retarder le bilan de dépistage de MW jusque l’âge de 2-3 ans pour pouvoir le réaliser dans de meilleures conditions.

Le nouveau-né porteur d’une MW sévère doit bénéficier d’un examen clinique complet, quotidien, pendant 5 jours, à la maternité, avant le retour au domicile.

En cas de suspicion d’hémorragie intracrânienne, un scanner cérébral doit être réalisé. L’échographie transfontanellaire ne permet pas d’éliminer formellement ce diagnostic et l’imagerie ne doit pas retarder un traitement.

Thrombopénie néonatale et type 2B

Les parents atteints de MW de type 2B ont 50% de risque de transmettre ce déficit au nouveau-né. Du fait de l’élévation physiologique des taux de VWF à la naissance, il peut alors apparaître chez celui-ci une thrombopénie néo-natale résultant de l’hyper affinité du VWF pour les plaquettes héritée du père ou de la mère. Si c’est la mère qui est atteinte de MW de type 2B, elle a pu elle-même développer une thrombopénie durant la grossesse. Quels que soient donc les antécédents familiaux, une thrombopénie néonatale doit faire rechercher une MW de type 2B, qui peut nécessiter en urgence si le nouveau-né saigne, un traitement différent de celui des autres thrombopénies néonatales.

Acquisition de la marche et début de la prophylaxie

Dans les formes sévères, la symptomatologie hémorragique est essentiellement cutanéomuqueuse mais il peut aussi exister des hémarthroses et des hématomes musculaires, en particulier dans les formes les plus sévères (type 3).

Les épisodes hémorragiques peuvent être spontanés, mais chez l’enfant, l’âge de la marche est une période particulièrement à risque hémorragique du fait des traumatismes liés aux chutes. Ils peuvent présenter de nombreuses ecchymoses post-traumatiques ou des plaies de la bouche post-morsure.

Les enfants peuvent aussi présenter des gingivorragies lors d’éruption dentaire ou lors de la chute des dents de lait, et des épistaxis. L’épistaxis est une symptomatologie hémorragique très fréquente chez l’enfant atteint de MW, y compris dans le cas des formes modérées.

Il est important de rappeler que l’acide tranexamique n’est indiqué qu’au-delà d’un an, et la desmopressine au-delà de 2 ans. Par ailleurs, la réponse thérapeutique à la desmopressine n’est optimale que chez le grand enfant, en général après 8 ans. On peut donc être amené à traiter ces enfants par concentrés en VWF lors des épisodes hémorragiques les plus sévères.

La répétition des épistaxis dans les formes les plus sévères de MW (type 3, type 2…) ou la survenue d’hémarthroses peut justifier la mise en place d’un traitement substitutif prophylactique.

La prophylaxie est débutée par perfusion hebdomadaire, avec une augmentation progressive de la fréquence des injections, de 1 à 2 voire 3 injections hebdomadaires en fonction de la symptomatologie hémorragique. En cas de difficultés de voie d’abord chez l’enfant, la pose d’une chambre implantable peut s’avérer nécessaire.

Risque d’hémorragie amygdalienne spontanée

La symptomatologie hémorragique de la MW est essentiellement cutanéomuqueuse. Dans les déficits sévères, il peut se produire une hémorragie à point de départ amygdalien, parfois déclenchée par un épisode infectieux ORL local, ou de survenue spontanée.

La correction de l’hémostase est une urgence, par la supplémentation en VWF associé à l’acide tranexamique.

Une hémostase chirurgicale peut être nécessaire en fonction de l’abondance du saignement et de la réponse clinique au traitement substitutif.

La prise en charge de patients présentant une hémorragie amygdalienne doit donc se faire à proximité d’un service d’ORL pouvant intervenir en urgence.

Par ailleurs, une hémorragie amygdalienne peut être abondante, et entrainer une anémie, qu’il conviendra de compenser par un traitement martial voire une transfusion de concentrés de globules rouges.

Entrée à l’école et mise en place d’un PAI

Le projet d’accueil individualisé (PAI) est une démarche facilitant l’accueil dans la structure scolaire d’un enfant porteur d’une pathologie chronique et pouvant nécessiter des soins sur le temps scolaire.

La circulaire interministérielle n° 2003-135 du 8 septembre 2003 pose un cadre légal autour du PAI. Ce PAI correspond à un document écrit mis au point par le directeur d’établissement, en accord avec la famille, complété par les médecins. Le médecin spécialiste du trouble de l’hémostase fournit les informations nécessaires à sa mise en place après accord de la famille. Il précise les modalités particulières de prise en charge de l’enfant dans la vie quotidienne au sein de l’établissement.

Il précise les signes d’appel notamment en cas d’accident hémorragique, les symptômes visibles, les mesures à prendre, les coordonnées des médecins à joindre, les permanences téléphoniques accessibles et les éléments d’information à fournir aux services d’urgence.

Certains aménagements particuliers peuvent y être adjoints, par exemple les sports contre-indiqués du fait du risque hémorragique.

Le respect du secret médical est essentiel. Il est important que le personnel de l’établissement scolaire respecte une discrétion professionnelle concernant la pathologie de l’enfant. Néanmoins le secret professionnel ne doit pas empêcher de transmettre aux équipes pédagogiques les éléments nécessaires à la bonne prise en charge de l’enfant dans le milieu scolaire.

Ce document est également souvent demandé par les structures d’accueil dès l’entrée en collectivité (crèche, halte-garderie).

Prise en charge des premières règles

L’adolescence chez les jeunes filles porteuses d’une MW s’accompagne généralement d’une symptomatologie hémorragique nouvelle : les ménométrorragies (cf. chapitre 3.2). Il convient de les prendre en charge de manière spécifique, et d’anticiper ce risque hémorragique potentiel.

Dès l’apparition des premiers signes pubertaires, et si possible avant l’apparition des premières règles, ce risque hémorragique est à expliquer aux jeunes filles, en consultation. On proposera de les orienter vers une équipe de gynécologie pédiatrique et/ou de l’adolescente. Une échographie pelvienne par voie sus-pubienne peut être réalisée afin d’évaluer la maturation utérine. Une prescription d’acide tranexamique est remise aux jeunes filles, afin que le traitement puisse être débuté dès le premier jour des premières règles.

De plus, la prescription d’une numération formule sanguine est remise aux patientes porteuses des formes les plus sévères de façon à permettre de vérifier la concentration en hémoglobine rapidement (48 heures après le début des règles) si celles-ci sont abondantes. Cela permet de dépister précocement la constitution d’une anémie.

L’abondance des ménométrorragies est évaluée par le score de Higham (voir documentation), qui permet de quantifier le nombre de changes quotidiens, l’abondance de l’imprégnation du change et la durée des règles. La fiche de score est complétée au domicile par la jeune fille en temps réel sur 3 cycles consécutifs. Un score supérieur à 100 définit la ménorragie (correspondant à un saignement supérieur à 80 ml).

Une prise en charge conjointe avec l’hématologue et une équipe de gynécologie pédiatrique et/ou de l’adolescente est importante en cas de règles abondantes. Une prescription rapide d’un traitement hormonal (progestatif ou oestroprogestatif) en séquentiel ou en continu peut s’avérer nécessaire, en fonction de l’abondance des règles. Un traitement par desmopressine ou concentré de VWF peut parfois être nécessaire. Dans les formes les plus sévères, un traitement substitutif prophylactique peut être débuté du 1er au 3ème jour des règles, au moment où elles sont le plus abondantes.

Il est important qu’un bilan martial soit régulièrement pratiqué pour dépister précocement un état de carence et le traiter.

Score hémorragique spécifique à l’enfant

L’évaluation du risque hémorragique est possible à l’aide du score hémorragique établi à l’interrogatoire, suivant le questionnaire de l’ISTH BAT (International Society of Thrombosis and Hemostasis, Bleeding Assessment Tool) (voir documentation). Il comporte 12 items évaluant la symptomatologie hémorragique du patient : épistaxis, gingivorragies, tendance ecchymotique, tendance à saigner de façon prolongée lors de blessures, complications hémorragiques post-chirurgicales, post-extraction dentaire, ménométrorragie, hémorragie digestive, hématomes musculaires, hémarthroses, hémorragie cérébrale et autres. Ce dernier item permet de répondre à la spécificité pédiatrique de certains symptômes hémorragiques qui apparaissent avant l’âge de la marche : céphalhématome, hémorragie au cordon ombilical, hématome post-ponction veineuse.

Le score hémorragique est pathologique chez l’adulte au-delà d’un score à 3 chez l’homme et 5 chez la femme. Chez l’enfant le score est pathologique au-delà de 2.

Vaccinations

Les enfants et les adultes atteints d’une maladie de Willebrand, quelle que soit la sévérité du déficit, doivent bénéficier de la couverture vaccinale complète selon les recommandations nationales émise annuellement par la Commission Technique des Vaccinations, rattaché à la Haute Autorité de Santé. Il était habituellement recommandé de réaliser cette vaccination par voie sous cutanée au regard du risque d’hématome intramusculaire. De récentes données de la littérature laissent à penser que la voie intramusculaire reste acceptable en termes d’efficacité (meilleure tolérance locale, respect des RCP du vaccin) et de risque (hématome). Les vaccinations seront donc réalisées soit par voie intramusculaire soit par voie sous- cutanée (au choix du praticien et selon le vaccin), en privilégiant la région deltoïdienne ou la partie supéroexterne de la cuisse (selon l’âge), permettant une compression locale prolongée plus accessible, et en utilisant une aiguille de petit diamètre (25G). Il est important de rappeler qu’il n’existe pas d’étude déterminant le seuil de facteur minimal (Willebrand et VIII) pour autoriser une injection vaccinale intramusculaire.