Le terme de MW se rapporte à toute pathologie hémorragique causée par un défaut génétique de la concentration, la structure ou la fonction du VWF, que l’anomalie moléculaire soit située sur le gène du VWF ou sur d’autres gènes dits « modulateurs ». Cette affection est caractérisée par sa très grande hétérogénéité dans sa présentation clinique, biologique ou moléculaire. Cette hétérogénéité est une des principales particularités de la MW. Ainsi, une classification des différentes formes de la maladie existe pour orienter le diagnostic, le traitement et le conseil génétique des patients.

Aujourd’hui, le séquençage du gène du VWF à la recherche des mutations est accessible dans certaines structures et représente une aide à cette classification.

Classification

Le propos de la classification est clinique pour faciliter la prise en charge thérapeutique du patient. La distinction entre certains types et sous-types reste difficile et repose essentiellement sur le phénotype du patient, encore que la confrontation à l’anomalie moléculaire soit souvent très informative.

Trois grands groupes sont définis. Le type 1 se rapporte à un déficit quantitatif partiel en VWF et le type 3 à un déficit quasi total en VWF. Le type 2 définit des anomalies qualitatives du VWF et inclut quatre sous-types : trois sont liés à des anomalies d’interaction du VWF avec les plaquettes et/ou le sous-endothélium (2A, 2B et 2M) et le quatrième à une diminution de l’affinité du VWF pour le FVIII (2N).

            Maladie de Type 1

Classiquement, le type 1 est le plus fréquent, représentant de 50 à 75 % des formes. La transmission est dominante. La symptomatologie hémorragique est liée à la concentration diminuée de VWF dans la circulation, alors que la répartition des multimères est normale et qu’il n’y a pas d’anomalie fonctionnelle. La réponse à la DDAVP, qui libère le VWF stocké dans les compartiments cellulaires, est bonne chez ces patients, mais de durée variable. La grande difficulté diagnostique réside dans la distinction entre une situation normale, un déficit modéré en VWF représentant un faible facteur de risque hémorragique et une véritable maladie. En pratique, une étude multicentrique a indiqué que seuls les patients avec des taux de VWF (VWF:Ag et VWF:Act) inférieurs à 40 UI/dl avaient une probabilité d’être atteints de MW de type 1. Sur le plan génotypique, trois grandes études menées dans des familles considérées « historiquement » comme atteintes d’une MW de type 1 ont montré qu’une mutation candidate du gène VWF n’était retrouvée que dans 50 à 70 % des cas. Les mutations décrites sont très variées et siègent sur toute la longueur du gène :ce sont essentiellement des mutations faux sens.

Sur le plan physiopathologique, le type 1 peut être lié à une sécrétion anormale du VWF. Certaines mutations du gène VWF, situées dans le domaine D3, affectent le transport intracellulaire des sous-unités de VWF. Elles entraînent une rétention intracellulaire et un déficit profond en VWF par un effet dominant négatif sur la sous-unité normale, seuls les homodimères non mutés étant sécrétés

Clairance accélérée : Le type 1 peut aussi être lié à une clairance accélérée du VWF dans la circulation. La clairance du VWF endogène peut être étudiée en mesurant sa demi-vie après administration de DDAVP. Chez des sujets sains, le taux de VWF est multiplié par deux à cinq une à deux heures après l’administration, puis retourne à son taux de base en six à neuf heures ; en revanche, certaines mutations induisent une réponse brève, avec une demi-vie du VWF inférieure à quatre heures témoignant de la clairance accélérée. Le sous-type « Vicenza » (MW de type 1C), antérieurement classé comme un variant de type 2M, est maintenant considéré comme une MW de type 1 liée à une augmentation extrême de la clairance du VWF dans la circulation (taux très abaissé de VWF, inférieur à 15 UI/dl, et demi-vie réduite de 4 à 5 fois après DDAVP). La mutation responsable (p.R1205H) est située dans le domaine D3. La clairance rapide du VWF réduit le temps où les multimères de très haut PM « ultralarges » peuvent être clivés par ADAMTS13, ce qui explique la persistance de tels multimères dans la circulation.

Sensibilité augmentée du VWF au clivage par ADAMTS13 : Un troisième mécanisme est observé chez des patients porteurs d’une mutation dans le domaine A2. Cette substitution (p.Y1584C) très fréquente et décrite chez des sujets avec des taux de VWF entre 30 et 50 UI/dl augmente la sensibilité du VWF au clivage par ADAMTS13 et entraîne aussi une rétention intracellulaire.

Depuis l’avènement de la biologie moléculaire, il s’avère plus fréquent qu’originellement décrit et pourrait être presque aussi fréquent que le type 1. Quatre grands sous-types ont été individualisés, avec une fréquence relative identique.

            Maladie de Type 2

         Type 2A

                        Il inclut les variants entraînant une diminution d’affinité du VWF pour les plaquettes (et le sous-endothélium) liée à un déficit en multimères du VWF de haut PM. L’anomalie des multimères résulte soit :

  • d’un défaut intracellulaire de leur assemblage (sous-types IIC, IID et IIE)
  • soit d’une sensibilité accrue à ADAMTS13 (sous-type IIA)

Sur le plan du phénotype, le taux de VWF fonctionnel (VWF:Act et VWF:CB) est notablement plus abaissé que le taux de VWF:Ag, et l’agrégation plaquettaire à la ristocétine est diminuée. Le plus souvent, la transmission est dominante, mais certaines mutations sont associées à une transmission récessive.

         Sous type II A

Les mutations se situent dans le domaine A2, au voisinage du site de protéolyse par ADAMTS13, et ont été divisées en deux groupes :

  • les mutations de groupe 1 : augmentent la sensibilité du VWF à la protéolyse et affectent l’assemblage des multimères,
  •  les mutations de groupe 2 : augmentent la protéolyse sans diminuer la sécrétion des multimères de haut PM (la réponse à DDAVP, qui entraine une sécrétion des multimères de haut PM, est transitoire)

         Sous type IIC

De transmission récessive, les mutations sont situées dans le propeptide (domaines D1 et D2) et perturbent le processus de multimérisation du VWF dans l’appareil de Golgi. L’étude des multimères précise que ceux qui sont sécrétés sont dépourvus de bandes satellites.

         Sous type IID

De transmission habituellement récessive (mais parfois dominante), les mutations sont situées dans le domaine C-terminal CK et empêchent la dimérisation dans le réticulum endoplasmique, ce qui entraîne la formation de multimères constitués d’un nombre impair de sous-unités de VWF

         Sous type IIE

De transmission dominante, les mutations se situent dans le domaine D3 et peuvent interférer avec la formation d’un pont disulfure entre sous-unités dans l’appareil de Golgi. Ces mutations touchent des résidus cystéine et tous les multimères sont présents, mais avec une diminution des formes lourdes et l’absence de structure en triplet. La distinction avec le type 1 est difficile car les mutations induisent aussi une rétention intracellulaire.

Dans la littérature le sous-type IIA est de loin le plus fréquent, mais la prévalence du sous-type IIE est peut-être sous-estimée car il est plus difficile à reconnaître ; les sous-types IIC et IID de transmission récessive sont rares.

                        Type 2B

Le type 2B, de transmission dominante, caractérise les variants avec augmentation d’affinité du VWF pour la GPIb.

Au laboratoire, il est surtout reconnu par la présence d’une agrégation paradoxale des plaquettes en présence de faibles doses de ristocétine. Le rapport VWF:CB/VWF:Ag est plus souvent abaissé que le rapport VWF:Act/VWF:Ag.

Chez la plupart des patients, on met en évidence une absence des multimères de haut PM dans le plasma, qui résulterait de deux mécanismes intriqués : clairance augmentée par liaison spontanée de ces multimères aux plaquettes, cette liaison entraînant une accélération de la protéolyse par ADAMTS13.

Les plaquettes peuvent être agrégées dans la circulation et on peut objectiver une thrombopénie très variable, exacerbée par le stress, la grossesse ou la DDAVP. Cependant, en dehors de ces situations, la thrombopénie fait souvent défaut et le diagnostic peut ne pas être évoqué sur les simples dosages de VWF, qui peuvent être subnormaux. La thrombopénie peut aussi être marquée et chronique : aujourd’hui on reconnaît que certaines mutations pourraient aussi être responsables d’une mégacaryocytogenèse anormale. Les mutations responsables sont situées dans le domaine A1.

                        Type 2M

Il se réfère aux variants comportant une affinité diminuée du VWF pour les plaquettes ou le collagène qui n’est pas causée par le déficit en multimères de haut PM.

L’assemblage et la sécrétion de ces multimères sont classiquement normaux, mais l’étude des VWF recombinants mutés a montré qu’ils pouvaient être affectés.

La transmission est presque toujours dominante. Les mutations responsables touchent les domaines de liaison aux plaquettes (domaine A1) ou plus rarement au sous-endothélium (domaines A1 et A3).

La plupart des patients sont identifiés par un rapport VWF:Act/VWF:Ag abaissé.

Les mutations peuvent porter sur les sites de liaison du VWF à la GPIb et modifier directement son affinité, ou bien modifier la conformation du domaine A1. Certaines ont un effet très délétère sur la structure et la fonction du VWF, pouvant altérer l’expression, la multimérisation et la liaison du VWF à la GPIb, ce qui a incité une équipe française à les intituler « 2A-like ». Cependant, il n’y a pas de consensus dans la littérature sur la pathogénie en cause. Malgré la localisation de la mutation dans ou à proximité du site de liaison du VWF aux plaquettes, les patients sont souvent classés en type 2A (car c’est l’anomalie des multimères qui est alors privilégiée).

Certains patients ont été identifiés avec une mutation au niveau du domaine A3 qui affecte sélectivement la liaison du VWF au collagène, mais aussi du domaine A1, empêchant la liaison au collagène de type IV et résultant en un phénotype hémorragique modéré.

                        Type 2N

Le type 2N, de transmission récessive, aussi appelé « Normandie » car initialement décrit en France chez un patient originaire de cette région, est caractérisé par une diminution marquée de l’affinité du VWF pour le FVIII.

Phénotypiquement, le dépistage repose sur la constatation d’un rapport FVIII:C/VWF:Ag abaissé (inférieur à 0,6) avec des taux de facteur VIII compris entre 5 et 40 UI/dl, et seule l’étude de la liaison du VWF au FVIII permet de différencier une MW de type 2N d’une hémophilie A.

Les mutations homozygotes ou hétérozygotes composites responsables sont situées dans les domaines D’ et D3. Dans ce dernier cas, la mutation 2N présente sur un allèle est associée à une autre mutation 2N ou à un allèle silencieux (responsable d’un taux de VWF diminué). La liaison du VWF au FVIII est nulle ou très diminuée chez les patients et modérément diminuée chez les simples hétérozygotes qui n’ont pas de déficit en FVIII et sont asymptomatiques.

Les mutations situées dans le domaine D3 et touchant des résidus cystéine peuvent non seulement diminuer la liaison du VWF au FVIII, mais aussi affecter la synthèse et la multimérisation du VWF.

            Maladie de Type 3

Le type 3 est la forme la plus sévère, caractérisée par un déficit en VWF pratiquement total, avec des taux de VWF:Act, VWF:CB et VWF:Ag inférieurs à 5 UI/dl et un taux de FVIII inférieur à 10 UI/dl.

La transmission est récessive et les parents hétérozygotes n’ont pas ou peu de symptomatologie hémorragique.

Les patients présentent des hémorragies cutanéomuqueuses sévères et récurrentes, et, comme les hémophiles, des hémarthroses et des hématomes profonds. Les mutations responsables, retrouvées à l’état homozygote ou hétérozygote composite, peuvent être localisées sur tout le gène. Les anomalies moléculaires répertoriées sont dans 80 % des cas des mutations non sens, de larges délétions, des micro- insertions ou microdélétions provoquant un décalage du cadre de lecture, et des mutations des sites d’épissage qui entraînent la synthèse de protéines tronquées ou sont responsables d’un allèle silencieux. Des mutations faux sens ont été identifiées, touchant un résidu cystéine impliqué dans des ponts disulfures. Certains patients (de 3 à 10 %) peuvent développer un alloanticorps anti-VWF après traitement par concentré de VWF, responsable de l’inefficacité du traitement substitutif et parfois à l’origine de réactions anaphylactiques, et semblant associé à une délétion complète du gène du VWF, bien que cela reste à confirmer.

Profils biologiques en fonction du type de maladie de Willebrand